Les déboires du Bel Acindor
Ô toi Bel Acindor,
Mon précieux trésor
Si tu cessais de pleurer,
Une fois pour toutes, sur ton sort !
Avoue que tu l'as bien cherché !
Te souviens-tu lorsque tu allais te cacher,
Pour soigner tes blessures ?
Après avoir été éconduit
Par quelque charmante jouvencelle
Tu t'en allais pleurer ta mésaventure
Dans les bras de ta mère
Ou en te reposant sur un coin de dentelle
Cachant le sein blanc d'une de tes amantes.
Alors, laisse-moi te dire, Bel Acindor,
Il ne sert à rien de gémir ainsi sur ton avenir
A présent, il est trop tard.
Même l'Archiduc François-Ferdinand
Que tu adulais tant qui,
Avec condescendance,
Aimait abhorrer sa si belle chevalière
En or avec le chaton enchâssé d'un diamant bleu,
Ce somptueux bijou, ne lui porta guère chance :
En effet, un jour d'été
Le tonnerre d'une balle le fit tomber.
Cette histoire qui du reste,
Vieille comme les nénuphars,
Fut le détonateur d'une terrible guerre,
Rancunière pour bien des décennies à venir
Ce qui déclencha d'autres conflits...Oui.
Le fantôme Serbo-croate n'était pas mort
Et ruminait en silence sa terrible vengeance :
Un pacte lié avec Satan préparé depuis longtemps.
L'emprunt colossal que tu fis n'a point suffi
A monter cette affaire mirifique disais-tu ?
Grand dam ! Tu te contentas d'ouvrir une minable
Boutique de brocante aux activités peu probables :
Prêts sur gage, recèles...En somme,
Tout ce qu'on puisse imaginer d'illégal.
Qu'es-tu donc devenu, Bel Acindor ?
Toi, beau gars si bien bâti,
Tout de muscle et aussi fort que l'ennui ?
On voit bien que tu as su mener belle vie d'épicurien
Avec tout cet argent qui ne t'appartenait point,
Tu as vécu comme un prince jusqu'au jour où
Tu réalisas que tu avais dilapidé
Tout ce bel or mis à ta disposition
Mais qu'as-tu donc fait là, Bel Acindor ?
Ne te fais plus aucune illusion sur ton sort
Et ne t'étonne point que les gens
Te saluent bien bas à présent.
Tu en as roulé plus d'un dans la farine
Avec ton légendaire boniment et balivernes,
Vaines paroles jetées en l'air…
Et maintenant, tu dois faire face à la colère
De ces amis que tu as trahis.
Plus personne ne te fait confiance,
Tu es tombé en disgrâce,
Tu te vois dans l'obligation de te remuer le croupion
Afin de gagner quelques taillons ;
La nourriture grossière, le vin mauvais
T'ont empâté, tu as le teint cireux
Comment tu es devenu laid avec les yeux vitreux.
Tes amours ont fini par t'oublier
Même ta libido, parfois, te joue des tours,
Tu as plus d'une panne sur l'oreiller
Et lorsqu'il t'arrive de te mirer,
Avec horreur, tu t'effraies en te demandant :
Qu'a-t-il bien pu arriver à
Ce désirable bourreau des cœurs
Qui fit tant de jaloux au temps
Où il était beau et avant
Qu'il ne devienne ce misérable poivrot ?
(L.M. juillet 2011)